L’exposition des Archives d’Architecture Moderne vous invite à un voyage à travers l’architecture maçonnique. Elle a pour écrin le cadre particulier de l’ancien temple du Droit Humain à la rue de l’Ermitage à Ixelles, construit en 1934 par les architectes Fernand Bodson et Louis Van Hooveld. A ne pas manquer : l’exposition de planches en couleur de l’artiste belge contemporain, Marcel Gossé dont les travaux, rêves de temples imaginaires, ont été réunis sous le titre "Notre Temple en Utopie".
La référence au temple de Salomon
Si, à l’origine de la franc-maçonnerie spéculative, les "frères" se réunissent dans des lieux provisoires comme des auberges ou dans les demeures de particuliers, ils feront progressivement bâtir des lieux spécifiques qui prennent comme référence mythique le temple de Salomon à Jérusalem. La construction d’un temple maçonnique, modeste ou grandiose, respecte des "codes" avec le plan rectangulaire inspiré de celui du temple de Jérusalem, la conception de l’entrée souvent désaxée par rapport aux espaces environnants, l’orientation vers… l’Orient, l’organisation spatiale et la disposition des sièges, la nature du sol avec son pavé mosaïque et du plafond à la voûte étoilée...
Ces temples sont souvent peu reconnaissables extérieurement car la discrétion prévaut. Par contre, les temples maçonniques révèlent souvent des intérieurs spectaculaires d’inspiration égyptienne, assyrienne, classique, mais aussi moderne.
La Belgique d’abord
La première partie de l’exposition est consacrée à l’histoire de l’architecture des temples maçonniques en Belgique. Elle propose un panorama des réalisations les plus remarquables à travers des plans originaux, des planches d’époque, des photographies anciennes et contemporaines, provenant de collections publiques et privées. La construction des loges a presque toujours été confiée à des artistes initiés; parmi les architectes dont les bâtiments sont présentés : Antoine Trappeniers, Adolphe Samyn, Ernest Hendrickx, Adolphe Vanderheggen, Théodule Coppieters, Hector Puchot, Alban Chambon, Ferdinand Dierkens, Paul Bonduelle, Fernand Bodson, Louis Van Hooveld...
Dès le début du XIXe siècle, la future Belgique possède des temples jugés parmi les plus remarquables d’Europe comme celui des Amis Philanthropes à Bruxelles). L’influence de l’Egypte ancienne, berceau mythique de la civilisation occidentale qui fascine la franc-maçonnerie depuis le XVIIIe siècle, trouve son apogée pendant les dernières décennies du XIXe siècle et au début du XXe siècle avec des réalisations spectaculaires qui se développent à travers tout le pays (Anvers, Bruxelles, Liège, Mons, Namur...).
Parallèlement, d’autres expériences de style classique (Gand), assyrien (rue des Ursulines à Bruxelles) ou indien (mausolée Goblet d’Alviella à Court-Saint-Etienne), illustrent la variété des références culturelles et spirituelles au sein du monde maçonnique.
L’entre-deux-guerres voit la naissance des premiers temples modernes, écartant toute référence aux styles du passé, tel le temple épuré de la rue de l’Ermitage qui veut témoigner du caractère progressiste de l’obédience du Droit Humain ouverte à la mixité.
Les traces des temples maçonniques en France de 1725 à 1940
Comme le signale Bernard Toulier, conservateur du Patrimoine en France, à la fin des années 1760, la distribution des temples maçonniques semble fixée selon un plan-type répandu depuis une vingtaine d’années à travers l’importante littérature des rituels, des catéchismes et des révélations d’initiés. On retrouve ces plans-type dans des premières constructions ou aménagements de temple comme à Paris (rue du Pot-de-Fer, 1774), à Lyon (1784) ou à Rouen.
Bernard Toulier observe qu’une première vague d’égyptomanie a gagné les temples français sous Charles X. En 1824, à Douai, Félix Roubaut décore l’intérieur du temple de peintures inspirées des planches imprimées de D. Vivant Denon et de la Description de l’Égypte. Les descriptions de Thèbes et de Memphis de cet ouvrage servent de références à l’architecte Bernard pour la construction du temple de Valenciennes en 1840.
Sous le Second Empire, la majorité des édifices recourent au répertoire néo-classique (Grand Orient de France à Paris, 857) malgré des concessions au néo-égyptien (Le Havre, 1860) ou au néo-gothique régional (Périgueux, 1868-1869).
Après la guerre de 1870, dans les régions annexées de l’Alsace et de la Lorraine, les Allemands érigent des temples, symboles du pouvoir impérial, à l’inspiration d’Outre-Rhin (Strasbourg, 1886). À partir des années 1880 et jusqu’à la première guerre mondiale, une seconde vague de constructions néo-égyptiennes (comme La Lumière du Nord à Lille, 1911) puise ses références… en Belgique.
Avec la séparation entre l’Église et l’État en 1905, des couvents et autres édifices religieux seront reconvertis en temples (Tours, rue Georges Courteline, Les Démophiles, 1907) (Paris, rue Puteaux, Grande Loge de France, 1910).
L’entre-deux-guerres verra un renouveau dans la construction et la rénovation des temples avec le temple Johannis Corneloup de la rue Cadet dessiné par l’architecte Albert Verner en 1924 dans un style inspiré d’outre-Manche et d’outre-Atlantique.
En 1940, avec la dissolution des loges et l’interdiction des sociétés secrètes par le gouvernement de Vichy, les temples sont fermés et leurs biens confisqués. Il faudra attendre les années 1970 pour qu’une prise de conscience ait lieu. Les années 80 et 90 voient un réel engouement pour le patrimoine maçonnique. Musées et expositions se multiplient, des immeubles et décors sont protégés au titre de la loi sur les Monuments historiques. D’anciens temples sont redécouverts lors de travaux de restauration comme à Uzès (15 rue Petite Bourgade, ancienne loge Saint-Jean, XVIIIe s.) ou Perpignan (impasse des Amandiers, temple de la loge Saint-Jean des Arts et de la Régularité, 1849).
L’architecture maçonnique aux États-Unis
Particularité américaine : l’architecture maçonnique y est à la fois très visible (sinon ostentatoire) et monumentale. C’est entre le milieu du XIXe siècle et la 2e guerre mondiale que ces temples ont été réalisés, généralement par des architectes initiés.
L’architecture maçonnique américaine, comme l’architecture monumentale profane américaine vit en référence à des modèles du passé. Ainsi les façades des temples sont le plus souvent gothiques, éclectiques ou d’inspiration classique tandis que les salles de réunion des grands temples peuvent évoquer – parfois avec un souci de véracité archéologique comme à Philadelphie - des styles historiques comme l’égyptien, le dorique, l’ionique, le corinthien, la renaissance italienne, le byzantin, le gothique, le roman ou l’oriental. Comme le remarque William Pesson, le mélange d’activités maçonniques et ludiques culmine dans les réalisations de la confrérie maçonnique des Shriners qui, pour leurs rituels et leurs édifices, utilisent des références nord-africaines ou orientales peu courantes sur le sol américain.
Ces temples sont implantés en périphérie du centre ou forment des îlots entiers au cœur de la ville. De nombreuses activités profanes prennent place dans ces bâtiments parfois en forme de gratte-ciel comme à Chicago ou New York. Le temple de Detroit, le plus grand temple du monde, est aussi le principal lieu de divertissement de la ville.
William Pesson relève que les temples édifiés après la 2e guerre mondiale sont moins nombreux et présentent un aspect plus banal. Cependant, la sauvegarde des temples maçonniques les plus intéressants est aujourd’hui une préoccupation. 187 édifices maçonniques sont aujourd’hui repris dans la liste des ressources culturelles américaines du National Register.
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SOURCE: http://fr.vivat.be
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