L’enigme du parchemin de Kirkwall dans les Orcades (Ecosse). Un examen au radio carbone du rouleau donne une date située entre 1400-1530. C’est bien en Ecosse que se situe indépendamment de ce qui a été ensuite appelé bien à tort d’écossisme (sous entendu "les hauts grades") les origines de la nouvelle maçonnerie pénétrée d’herméneutique biblique et sous influence norroise. Le parchemin de Kirkwall est constitué de trois pans de lin épais (certains ont même parlé de toile de voile) cousus ensemble et peints sur toute leur longueur. Le rouleau fait dix-huit pieds six pouces de long (environ 5,65 m) et cinq pieds six pouces de large (environ 1,70 m). Il consiste en une bande centrale de quatre pieds de large (environ 1,22 m) et deux bandes externes qui semblent représenter des cartes. Apparemment, ces deux bandes ont été coupées dans une unique pièce de tissu avant d’être cousues aux bords externes du panneau central. Sur le parchemin, on note un certain nombre d’inscriptions. Elles utilisent un vieux code maçonnique largement en usage en Écosse pour les inscriptions des pierres tombales. On l’appelle parfois l’alphabet énochien, notamment dans certains grades du Rite écossais ancien et accepté. Dans la deuxième scène du rouleau en remontant, on voit un autel arborant une inscription codée sur un pavé mosaïque noir et blanc. Une partie de l’inscription se décode ainsi :
"Je suis m’a envoyé à vous. Je suis celui qui suis. Je suis la Rose de Sharon et le Lis de la Vallée. Je suis ce que je suis ou serai ce que je serai."
Dans une conférence sur le parchemin de Kirkwall prononcée devant la Loge Kirkwall Kilwinning, en 1976, le frère James Flett disait :
" Quand j’ai rejoint notre Loge, il y a de cela de nombreuses années, il y avait alors un très vieux frère qui assistait occasionnellement aux tenues de la Loge malgré son âge avancé. Il avait dépassé 90 ans. Un jour, je lui demandai s’il pouvait me dire quelque chose sur le rouleau. Il me répondit qu’il ne connaissait pas grand-chose sur celui-ci, si ce n’est que lors de sa propre initiation, lorsqu’il n’était qu’un jeune homme de vingt ans, le rouleau était posé au centre de la loge, sur le sol. "
Il est probable que le parchemin est une ancienne planche à tracer qui devait, dans l’esprit de ses créateurs, être déroulée, section par section, à mesure que les grades concernés étaient travaillés. D’autres auteurs ont fait remarquer que le rouleau est trop long pour être étalé sur le sol du temple actuel de Kirkwall, et le précédent bâtiment -le Tolbooth, sur Kirk Green, devant la cathédrale Saint-Magnus - était encore plus petit. Cependant, si nos suppositions sur sa raison d’être sont exactes, il n’aurait jamais eu besoin d’être totalement déroulé.
Le parchemin de Kirkwall est constitué de trois pans de lin épais (certains ont même parlé de toile de voile) cousus ensemble et peints sur toute leur longueur. Le rouleau fait dix-huit pieds six pouces de long (environ 5,65 m) et cinq pieds six pouces de large (environ 1,70 m). Il consiste en une bande centrale de quatre pieds de large (environ 1,22 m) et deux bandes externes qui semblent représenter des cartes. Apparemment, ces deux bandes ont été coupées dans une unique pièce de tissu avant d’être cousues aux bords externes du panneau central.Sur le parchemin, on note un certain nombre d’inscriptions. Elles utilisent un vieux code maçonnique largement en usage en Écosse pour les inscriptions des pierres tombales. On l’appelle parfois l’alphabet énochien, notamment dans certains grades du Rite écossais ancien et accepté. Dans la deuxième scène du rouleau en remontant, on voit un autel arborant une inscription codée sur un pavé mosaïque noir et blanc. Une partie de l’inscription se décode ainsi :
"Je suis m’a envoyé à vous. Je suis celui qui suis. Je suis la Rose de Sharon et le Lis de la Vallée. Je suis ce que je suis ou serai ce que je serai".
Dans une conférence sur le parchemin de Kirkwall prononcée devant la Loge Kirkwall Kilwinning, en 1976, le frère James Flett disait :
Quand j’ai rejoint notre Loge, il y a de cela de nombreuses années, il y avait alors un très vieux frère qui assistait occasionnellement aux tenues de la Loge malgré son âge avancé. Il avait dépassé 90 ans. Un jour, je lui demandai s’il pouvait me dire quelque chose sur le rouleau. Il me répondit qu’il ne connaissait pas grand-chose sur celui-ci, si ce n’est que lors de sa propre initiation, lorsqu’il n’était qu’un jeune homme de vingt ans, [le rouleau] était posé au centre de la loge, sur le sol2.
Il est probable que le parchemin est une ancienne planche à tracer qui devait, dans l’esprit de ses créateurs, être déroulée, section par section, à mesure que les grades concernés étaient travaillés. D’autres auteurs ont fait remarquer que le rouleau est trop long pour être étalé sur le sol du temple actuel de Kirkwall, et le précédent bâtiment -le Tolbooth, sur Kirk Green, devant la cathédrale Saint-Magnus - était encore plus petit. Cependant, si nos suppositions sur sa raison d’être sont exactes, il n’aurait jamais eu besoin d’être totalement déroulé.
Ce qui ne fait aucun doute, c’est que la Loge est en possession du parchemin depuis très longtemps, et au moins depuis 1786. On a vu fleurir de nombreuses théories quant à sa fonction et à sa signification, mais, pour l’essentiel, celles-ci ont émané de groupes ou de personnes qui entendaient faire jouer un rôle spécifique au parchemin dans l’histoire.
George William Speth (1847-1901) fit partie de ceux qui avaient des idées préconçues sur le sujet. il fut l’un des fondateurs et un secrétaire de la Loge éminemment dogmatique des Quatuor coronati. Cette « première » Loge de recherches autoproclamée a une longue tradition bien attestée de soutien indéfectible à la ligne officielle de la GLUA : celle des origines londoniennes de la franc-maçonnerie que le duc de Sussex instaura quand il imposa la formation de la Grande Loge unie d’Angleterre aux maçons réticents d’Angleterre et du pays de Galles en 1813. En sa qualité de responsable du journal édité par la Loge, Ars Quatuor Coronatorum (A QC), Speth était tenu de soutenir cette idée assez absurde selon laquelle la franc-maçonnerie serait apparue à Londres en 1717. Selon cette version officielle de la GLUA, elle serait née de l’oisiveté d’un groupe de gentlemen : comme ceux-ci s’ennuyaient, ils auraient fait le tour des chantiers locaux en demandant aux ouvriers qu’ils rencontraient s’ils n’avaient pas des rituels intéressants qu’ils auraient pu utiliser pour leur amélioration morale - une théorie qui a tout le charme et la crédibilité d’un scénario de sitcom !
Dans la parfaite tradition des Quatuor Coronati, Speth était tout disposé à écarter, détourner, voire détruire tout témoignage ou document pouvant attester l’existence de la maçonnerie en Écosse avant 1717. En 1897, il décida ainsi d’enquêter sur le parchemin de Kirkwall. À cette fin, il commanda un article à un maçon des Orcades, l’archidiacre [Archdeacon] Craven, à propos du trésor majeur de la Loge de Kirkwall.
L’article fut publié dans le volume X d’AQC, avec la propre opinion de Speth sur le rouleau. Sans même l’avoir vu par lui-même, il décida que c’était un tapis de Loge, datant de « la première moitié du XVIIIe siècle ou vraiment du tout début de la seconde ». Il s’assurait ainsi que le mythe de la naissance londonienne de la franc-maçonnerie en 1717 ne fût pas remis en question. Dans les années vingt, un autre membre des Quatuor Coronati, William Reginald Day - qui appartenait aussi à la Loge de recherches Sydney en Nouvelles-Galles du Sud (Australie) - s’attaqua à son tour parchemin et écrivit un article pour AQC (vol. XXXVIII, 1925).
Il prétendait avoir examiné attentivement la structure et les thèmes du rouleau - bien qu’il semblât avoir davantage étudié l’article de Speth : parchemin lui-même. Sans surprise, il fit mine de découvrir des indications concernant la datation du tissu en clamant qu’il avait reconnu sur le parchemin « les armes de la Grande Loge des Ancients (Antient Grand Lodge) » - seulement les armoiries des Ancients n’ont jamais représenté une étoile à cinq branches ni « un œil qui voit tout » le ciel sous l’arche. Comment Day put-il ne pas remarquer ces différences ? Cela reste un mystère.
En utilisant une ressemblance assez tenue, Day soutient que le rouleau est postérieur à 1751. Au demeurant il prétend avoir remarqué d’autres traces de l’influence des Ancients sur le parchemin, mais il ne spécifie pas lesquelles, et, ni moi, frères de Kirkwall Kilwinning que j’ai consultés ne voient ce s peuvent être. Une fois de plus, AQC avait entretenu le mythe franc-maçonnerie inventée à Londres en 1717 et elle avait écarté habilement et prudemment toute allusion à une origine écossaise de l’ordre.
En outre, Day dit avoir également trouvé (de manière cryptée) une citation mot pour mot tirée de la Bible du roi Jacques (la citation de la me scène citée plus haut). Il utilisa celle-ci pour dater cette fois eau postérieurement à 1611. Cependant, je suis incapable de trouver ces mots exacts dans mon exemplaire du roi Jacques ; je ne peux identifier que des fragments entremêlés au milieu d’autres phrases. Moyennant quoi, fidèle à la ligne des Quatuor Coronati visant à qualifier tout ce qui pouvait être écossais, le frère Day utilisa cette preuve pour affirmer que le rouleau de Kirkwall était une œuvre moderne. Il alla jusqu’à préciser que c’était un maçon des Orcades qui avait peint le parchemin sur une grande bande de toile. Répondant au nom de William Graham, ce maçon aurait travaillé à Londres comme peintre en bâtiment avant de regagner ultérieurement ses îles natales septentrionales.
Le sujet en resta là jusqu’au 21 juillet 2000. À cette date, un article parut simultanément dans le Times et le Daily Telegraph. Sous la plume d’une journaliste orcadienne, Kath Gourlay, il rapportait le résultat de tests scientifiques entrepris sur le parchemin.
Les résultats de la datation au radiocarbone exécutés sur une tenture de mur unique ont bouleversé les membres d’une Loge maçonnique des îles Orcades. Ils ont eu un choc en découvrant que ce décor était un trésor médiéval valant plusieurs millions de livres. La datation au radiocarbone du rouleau a démontré que la toile de dix-huit pieds de long datait du XVè siècle.
En réalité, le mystère s’épaissit ici. Car il existe deux datations au radiocarbone différentes pour le rouleau. L’une s’applique à la partie centrale et l’autre aux parties externes. Kath Gourlay rapporte ceci à ce propos :
Le laboratoire de recherches de l’université d’Oxford - qui a effectué la datation au radiocarbone - ajoute au mystère en soutenant simultanément les deux dates.
« Nous avons analysé la matière du parchemin de Kirkwall en deux occasions différentes », a expliqué un porte-parole du département d’archéologie et d’histoire de l’art qui exécuta le travail. « L’étalonnage du carbone vous expose à une certaine marge d’erreur que vous devez retenir. Ainsi le premier échantillon, pris sur le bord externe du matériau, pouvait être du XVIII’ siècle ou du début du XIX’ siècle (1780-1840). Le second morceau, qui provenait du panneau central, donna une date plus ancienne : le XV ou le début du XVI siècle (1400-1530). »
La différence de deux cent quatre-vingts ans entre la bande centrale et les deux bandes latérales rend l’allégation de Day, selon laquelle William Graham aurait peint toute la toile, extrêmement improbable. Si on peut considérer que c’est bien Graham qui offrit le rouleau à la Loge Kirkwall Kilwinning en 1786, faire de lui le peintre de l’ensemble du rouleau est une autre affaire. Si tel était le cas, cela signifie qu’il se serait procuré deux bandes de tissu vierge différentes, l’une récente et l’autre vieille d’au moins deux cent quatre-vingts ans. Ensuite il aurait coupé la bande neuve en deux pour coudre les deux demi-bandes sur les côtés de l’ancienne avant de commencer à peindre. Pourquoi se donner tant de mal ? S’il avait besoin d’un morceau de toile plus grand, il n’avait qu’à coudre la nouvelle bande - sans la découper - le long de l’ancienne pour obtenir la même surface. Par conséquent, au regard de la datation au radiocarbone, on peut supposer que s’il décida d’ajouter les bandes externes, ce fut pour protéger et préserver le panneau central et non pour le travestir, l’améliorer ou le modifier d’une quelconque manière. J’explorerai plus loin dans ce chapitre les raisons pouvant expliquer cette initiative de Graham. En attendant, je contactai la Loge pour savoir s’il avait été observé au revers du parchemin une quelconque différence entre le tissage de la bande centrale et celui des panneaux latéraux (l’avers du rouleau étant recouvert d’une épaisse couche de peinture, aucune trace du tissu n’était visible de ce côté-là).
Un vénérable frère me répondit :
Il apparaît que les trois panneaux ont été rentoilés à l’arrière avec un tissu qui augmente la taille totale du rouleau. La date de ce renfort est incertaine, mais le doublage n’est assurément pas récent. Malheureusement, celui-ci empêche de voir l’arrière des panneaux peints et il est donc impossible de comparer les tissages et les textures des trois bandes. En revanche, on repère nettement les coutures que l’on peut même sentir au toucher, ce qui confirme que le parchemin est bien constitué de trois panneaux verticaux.
La toile peinte avait donc été doublée avec un renfort de tissu, de la même manière qu’une couverture de laine était renforcée avec de la toile de jute. Ce détail allait dans le sens de ma théorie, à savoir que le parchemin était censé être déroulé sur le sol, et non suspendu à un mur.
L’écrivain Andrew Sinclair avait avancé plusieurs autres hypothèses : il pensait qu’un secret du XVè siècle avait pu être dissimulé dans les côtés externes (les « cartes ») du rouleau. Mais la datation au radio-carbone rend insoutenable cette thèse. Par ailleurs, il s’était demandé si le parchemin n’avait pas fait partie de l’héritage de Kirkwall datant « de la fin du XIVè siècle, quand le prince Henry Saint-Clair était devenu le comte des Orcades », ce qui n’est pas davantage possible. D’un autre côté, il n’existe aucune trace de franc-maçonnerie à Kirkwall avant 1736. Alors si le rouleau s’était déjà trouvé dans cette ville avant cette date, Sinclair ne se demande pas qui aurait pu conserver cet objet maçonnique pendant plus de deux cents ans.
Toujours est-il que les sections externes du rouleau datent bien de l’époque de William Graham. Donc Day peut avoir raison quand il affirme qu’il les a peintes. Mais la bande centrale est incontestablement plus ancienne.
Fort de la connaissance heptapartite de la franc-maçonnerie - que j’avais redécouvert chez Wilmshurst et que j’ai retracé dans les sept premiers chapitres du présent livre -, une hypothèse commençait à se faire jour dans mon esprit.
La tradition de la planche à tracer a évolué à partir d’une pratique plus ancienne : la représentation des symboles clés d’un grade sur le sol de la loge. Avant que les Loges ne possèdent leurs propres temples, les symboles des grades à travailler étaient tracés sur le sol de la loge, puis effacés par le candidat. Wilmshurst l’expliqua dans une série de conférences de Loges qu’il donna en 1929. Voici ce que disent les notes qu’il rédigea pour ces allocutions :
" Dans les premiers temps, quand l’ordre n’était pas encore une institution sociale populaire mais une discipline sérieuse s’inscrivant dans le cadre d’une science philosophique et sacrée, l’instruction n’était pas traitée à la légère. La planche n’était pas, comme elle l’est maintenant, un produit sorti tout droit d’une fabrique de décors maçonniques, mais elle était le symbole le plus vénéré de la Loge. C était un dessin que chaque frère apprenait à exécuter par lui-même, pour que, simultanément, ses mains et son entendement puissent être instruits dans l’art maçonnique. Les témoignages écrits montrent qu’à chaque tenue de Loge, la planche du grade devant être travaillé était réellement dessinée de mémoire par le Maître avec de la craie ou du charbon de bois sur le sol de la loge. Grâce à sa pratique, le Maître était capable de la tracer rapidement et précisément. En avançant d’ouest en est pendant la cérémonie, le candidat effectuait les pas du grade au-dessus du dessin. L’explication de celui-ci faisait partie intégrante de la cérémonie, et, avant d’être rendu à son confort personne on lui demandait de l’effacer avec un torchon et un seau d’eau, pour que des yeux profanes ne puissent le voir et pour qu’il apprenne sa première leçon d’humilité et de secret. Au cours du XVIIIè siècle, le dessin de mémoire sur le sol fut remplacé, dans un premier temps, par l’utilisation d’un tapis de Loge peint, puis, par des planches en bois reposant sur des tréteaux, sur lesquelles le diagramme était reproduit de manière permanente. Les planches sont des prescriptions cryptées de la science d’un ancien monde, enseignées et pratiquées en secret à travers les âges par les quelques individus spirituellement mûrs et assez courageux pour suivre un chemin de vie plus élevé qu’il n’est encore possible d’atteindre pour le monde populaire. L’interprétation détaillée de leur symbolisme est nécessairement difficile, car les symboles renferment toujours beaucoup plus qu’il n’est possible d’expliquer verbalement. Par conséquent peu de maçons se sont formés jusqu’ici dans le langage de l’ancien symbolisme ésotérique ".
"Je suis m’a envoyé à vous. Je suis celui qui suis. Je suis la Rose de Sharon et le Lis de la Vallée. Je suis ce que je suis ou serai ce que je serai."
Dans une conférence sur le parchemin de Kirkwall prononcée devant la Loge Kirkwall Kilwinning, en 1976, le frère James Flett disait :
" Quand j’ai rejoint notre Loge, il y a de cela de nombreuses années, il y avait alors un très vieux frère qui assistait occasionnellement aux tenues de la Loge malgré son âge avancé. Il avait dépassé 90 ans. Un jour, je lui demandai s’il pouvait me dire quelque chose sur le rouleau. Il me répondit qu’il ne connaissait pas grand-chose sur celui-ci, si ce n’est que lors de sa propre initiation, lorsqu’il n’était qu’un jeune homme de vingt ans, le rouleau était posé au centre de la loge, sur le sol. "
Il est probable que le parchemin est une ancienne planche à tracer qui devait, dans l’esprit de ses créateurs, être déroulée, section par section, à mesure que les grades concernés étaient travaillés. D’autres auteurs ont fait remarquer que le rouleau est trop long pour être étalé sur le sol du temple actuel de Kirkwall, et le précédent bâtiment -le Tolbooth, sur Kirk Green, devant la cathédrale Saint-Magnus - était encore plus petit. Cependant, si nos suppositions sur sa raison d’être sont exactes, il n’aurait jamais eu besoin d’être totalement déroulé.
Le parchemin de Kirkwall est constitué de trois pans de lin épais (certains ont même parlé de toile de voile) cousus ensemble et peints sur toute leur longueur. Le rouleau fait dix-huit pieds six pouces de long (environ 5,65 m) et cinq pieds six pouces de large (environ 1,70 m). Il consiste en une bande centrale de quatre pieds de large (environ 1,22 m) et deux bandes externes qui semblent représenter des cartes. Apparemment, ces deux bandes ont été coupées dans une unique pièce de tissu avant d’être cousues aux bords externes du panneau central.Sur le parchemin, on note un certain nombre d’inscriptions. Elles utilisent un vieux code maçonnique largement en usage en Écosse pour les inscriptions des pierres tombales. On l’appelle parfois l’alphabet énochien, notamment dans certains grades du Rite écossais ancien et accepté. Dans la deuxième scène du rouleau en remontant, on voit un autel arborant une inscription codée sur un pavé mosaïque noir et blanc. Une partie de l’inscription se décode ainsi :
"Je suis m’a envoyé à vous. Je suis celui qui suis. Je suis la Rose de Sharon et le Lis de la Vallée. Je suis ce que je suis ou serai ce que je serai".
Dans une conférence sur le parchemin de Kirkwall prononcée devant la Loge Kirkwall Kilwinning, en 1976, le frère James Flett disait :
Quand j’ai rejoint notre Loge, il y a de cela de nombreuses années, il y avait alors un très vieux frère qui assistait occasionnellement aux tenues de la Loge malgré son âge avancé. Il avait dépassé 90 ans. Un jour, je lui demandai s’il pouvait me dire quelque chose sur le rouleau. Il me répondit qu’il ne connaissait pas grand-chose sur celui-ci, si ce n’est que lors de sa propre initiation, lorsqu’il n’était qu’un jeune homme de vingt ans, [le rouleau] était posé au centre de la loge, sur le sol2.
Il est probable que le parchemin est une ancienne planche à tracer qui devait, dans l’esprit de ses créateurs, être déroulée, section par section, à mesure que les grades concernés étaient travaillés. D’autres auteurs ont fait remarquer que le rouleau est trop long pour être étalé sur le sol du temple actuel de Kirkwall, et le précédent bâtiment -le Tolbooth, sur Kirk Green, devant la cathédrale Saint-Magnus - était encore plus petit. Cependant, si nos suppositions sur sa raison d’être sont exactes, il n’aurait jamais eu besoin d’être totalement déroulé.
Ce qui ne fait aucun doute, c’est que la Loge est en possession du parchemin depuis très longtemps, et au moins depuis 1786. On a vu fleurir de nombreuses théories quant à sa fonction et à sa signification, mais, pour l’essentiel, celles-ci ont émané de groupes ou de personnes qui entendaient faire jouer un rôle spécifique au parchemin dans l’histoire.
George William Speth (1847-1901) fit partie de ceux qui avaient des idées préconçues sur le sujet. il fut l’un des fondateurs et un secrétaire de la Loge éminemment dogmatique des Quatuor coronati. Cette « première » Loge de recherches autoproclamée a une longue tradition bien attestée de soutien indéfectible à la ligne officielle de la GLUA : celle des origines londoniennes de la franc-maçonnerie que le duc de Sussex instaura quand il imposa la formation de la Grande Loge unie d’Angleterre aux maçons réticents d’Angleterre et du pays de Galles en 1813. En sa qualité de responsable du journal édité par la Loge, Ars Quatuor Coronatorum (A QC), Speth était tenu de soutenir cette idée assez absurde selon laquelle la franc-maçonnerie serait apparue à Londres en 1717. Selon cette version officielle de la GLUA, elle serait née de l’oisiveté d’un groupe de gentlemen : comme ceux-ci s’ennuyaient, ils auraient fait le tour des chantiers locaux en demandant aux ouvriers qu’ils rencontraient s’ils n’avaient pas des rituels intéressants qu’ils auraient pu utiliser pour leur amélioration morale - une théorie qui a tout le charme et la crédibilité d’un scénario de sitcom !
Dans la parfaite tradition des Quatuor Coronati, Speth était tout disposé à écarter, détourner, voire détruire tout témoignage ou document pouvant attester l’existence de la maçonnerie en Écosse avant 1717. En 1897, il décida ainsi d’enquêter sur le parchemin de Kirkwall. À cette fin, il commanda un article à un maçon des Orcades, l’archidiacre [Archdeacon] Craven, à propos du trésor majeur de la Loge de Kirkwall.
L’article fut publié dans le volume X d’AQC, avec la propre opinion de Speth sur le rouleau. Sans même l’avoir vu par lui-même, il décida que c’était un tapis de Loge, datant de « la première moitié du XVIIIe siècle ou vraiment du tout début de la seconde ». Il s’assurait ainsi que le mythe de la naissance londonienne de la franc-maçonnerie en 1717 ne fût pas remis en question. Dans les années vingt, un autre membre des Quatuor Coronati, William Reginald Day - qui appartenait aussi à la Loge de recherches Sydney en Nouvelles-Galles du Sud (Australie) - s’attaqua à son tour parchemin et écrivit un article pour AQC (vol. XXXVIII, 1925).
Il prétendait avoir examiné attentivement la structure et les thèmes du rouleau - bien qu’il semblât avoir davantage étudié l’article de Speth : parchemin lui-même. Sans surprise, il fit mine de découvrir des indications concernant la datation du tissu en clamant qu’il avait reconnu sur le parchemin « les armes de la Grande Loge des Ancients (Antient Grand Lodge) » - seulement les armoiries des Ancients n’ont jamais représenté une étoile à cinq branches ni « un œil qui voit tout » le ciel sous l’arche. Comment Day put-il ne pas remarquer ces différences ? Cela reste un mystère.
En utilisant une ressemblance assez tenue, Day soutient que le rouleau est postérieur à 1751. Au demeurant il prétend avoir remarqué d’autres traces de l’influence des Ancients sur le parchemin, mais il ne spécifie pas lesquelles, et, ni moi, frères de Kirkwall Kilwinning que j’ai consultés ne voient ce s peuvent être. Une fois de plus, AQC avait entretenu le mythe franc-maçonnerie inventée à Londres en 1717 et elle avait écarté habilement et prudemment toute allusion à une origine écossaise de l’ordre.
En outre, Day dit avoir également trouvé (de manière cryptée) une citation mot pour mot tirée de la Bible du roi Jacques (la citation de la me scène citée plus haut). Il utilisa celle-ci pour dater cette fois eau postérieurement à 1611. Cependant, je suis incapable de trouver ces mots exacts dans mon exemplaire du roi Jacques ; je ne peux identifier que des fragments entremêlés au milieu d’autres phrases. Moyennant quoi, fidèle à la ligne des Quatuor Coronati visant à qualifier tout ce qui pouvait être écossais, le frère Day utilisa cette preuve pour affirmer que le rouleau de Kirkwall était une œuvre moderne. Il alla jusqu’à préciser que c’était un maçon des Orcades qui avait peint le parchemin sur une grande bande de toile. Répondant au nom de William Graham, ce maçon aurait travaillé à Londres comme peintre en bâtiment avant de regagner ultérieurement ses îles natales septentrionales.
Le sujet en resta là jusqu’au 21 juillet 2000. À cette date, un article parut simultanément dans le Times et le Daily Telegraph. Sous la plume d’une journaliste orcadienne, Kath Gourlay, il rapportait le résultat de tests scientifiques entrepris sur le parchemin.
Les résultats de la datation au radiocarbone exécutés sur une tenture de mur unique ont bouleversé les membres d’une Loge maçonnique des îles Orcades. Ils ont eu un choc en découvrant que ce décor était un trésor médiéval valant plusieurs millions de livres. La datation au radiocarbone du rouleau a démontré que la toile de dix-huit pieds de long datait du XVè siècle.
En réalité, le mystère s’épaissit ici. Car il existe deux datations au radiocarbone différentes pour le rouleau. L’une s’applique à la partie centrale et l’autre aux parties externes. Kath Gourlay rapporte ceci à ce propos :
Le laboratoire de recherches de l’université d’Oxford - qui a effectué la datation au radiocarbone - ajoute au mystère en soutenant simultanément les deux dates.
« Nous avons analysé la matière du parchemin de Kirkwall en deux occasions différentes », a expliqué un porte-parole du département d’archéologie et d’histoire de l’art qui exécuta le travail. « L’étalonnage du carbone vous expose à une certaine marge d’erreur que vous devez retenir. Ainsi le premier échantillon, pris sur le bord externe du matériau, pouvait être du XVIII’ siècle ou du début du XIX’ siècle (1780-1840). Le second morceau, qui provenait du panneau central, donna une date plus ancienne : le XV ou le début du XVI siècle (1400-1530). »
La différence de deux cent quatre-vingts ans entre la bande centrale et les deux bandes latérales rend l’allégation de Day, selon laquelle William Graham aurait peint toute la toile, extrêmement improbable. Si on peut considérer que c’est bien Graham qui offrit le rouleau à la Loge Kirkwall Kilwinning en 1786, faire de lui le peintre de l’ensemble du rouleau est une autre affaire. Si tel était le cas, cela signifie qu’il se serait procuré deux bandes de tissu vierge différentes, l’une récente et l’autre vieille d’au moins deux cent quatre-vingts ans. Ensuite il aurait coupé la bande neuve en deux pour coudre les deux demi-bandes sur les côtés de l’ancienne avant de commencer à peindre. Pourquoi se donner tant de mal ? S’il avait besoin d’un morceau de toile plus grand, il n’avait qu’à coudre la nouvelle bande - sans la découper - le long de l’ancienne pour obtenir la même surface. Par conséquent, au regard de la datation au radiocarbone, on peut supposer que s’il décida d’ajouter les bandes externes, ce fut pour protéger et préserver le panneau central et non pour le travestir, l’améliorer ou le modifier d’une quelconque manière. J’explorerai plus loin dans ce chapitre les raisons pouvant expliquer cette initiative de Graham. En attendant, je contactai la Loge pour savoir s’il avait été observé au revers du parchemin une quelconque différence entre le tissage de la bande centrale et celui des panneaux latéraux (l’avers du rouleau étant recouvert d’une épaisse couche de peinture, aucune trace du tissu n’était visible de ce côté-là).
Un vénérable frère me répondit :
Il apparaît que les trois panneaux ont été rentoilés à l’arrière avec un tissu qui augmente la taille totale du rouleau. La date de ce renfort est incertaine, mais le doublage n’est assurément pas récent. Malheureusement, celui-ci empêche de voir l’arrière des panneaux peints et il est donc impossible de comparer les tissages et les textures des trois bandes. En revanche, on repère nettement les coutures que l’on peut même sentir au toucher, ce qui confirme que le parchemin est bien constitué de trois panneaux verticaux.
La toile peinte avait donc été doublée avec un renfort de tissu, de la même manière qu’une couverture de laine était renforcée avec de la toile de jute. Ce détail allait dans le sens de ma théorie, à savoir que le parchemin était censé être déroulé sur le sol, et non suspendu à un mur.
L’écrivain Andrew Sinclair avait avancé plusieurs autres hypothèses : il pensait qu’un secret du XVè siècle avait pu être dissimulé dans les côtés externes (les « cartes ») du rouleau. Mais la datation au radio-carbone rend insoutenable cette thèse. Par ailleurs, il s’était demandé si le parchemin n’avait pas fait partie de l’héritage de Kirkwall datant « de la fin du XIVè siècle, quand le prince Henry Saint-Clair était devenu le comte des Orcades », ce qui n’est pas davantage possible. D’un autre côté, il n’existe aucune trace de franc-maçonnerie à Kirkwall avant 1736. Alors si le rouleau s’était déjà trouvé dans cette ville avant cette date, Sinclair ne se demande pas qui aurait pu conserver cet objet maçonnique pendant plus de deux cents ans.
Toujours est-il que les sections externes du rouleau datent bien de l’époque de William Graham. Donc Day peut avoir raison quand il affirme qu’il les a peintes. Mais la bande centrale est incontestablement plus ancienne.
Fort de la connaissance heptapartite de la franc-maçonnerie - que j’avais redécouvert chez Wilmshurst et que j’ai retracé dans les sept premiers chapitres du présent livre -, une hypothèse commençait à se faire jour dans mon esprit.
La tradition de la planche à tracer a évolué à partir d’une pratique plus ancienne : la représentation des symboles clés d’un grade sur le sol de la loge. Avant que les Loges ne possèdent leurs propres temples, les symboles des grades à travailler étaient tracés sur le sol de la loge, puis effacés par le candidat. Wilmshurst l’expliqua dans une série de conférences de Loges qu’il donna en 1929. Voici ce que disent les notes qu’il rédigea pour ces allocutions :
" Dans les premiers temps, quand l’ordre n’était pas encore une institution sociale populaire mais une discipline sérieuse s’inscrivant dans le cadre d’une science philosophique et sacrée, l’instruction n’était pas traitée à la légère. La planche n’était pas, comme elle l’est maintenant, un produit sorti tout droit d’une fabrique de décors maçonniques, mais elle était le symbole le plus vénéré de la Loge. C était un dessin que chaque frère apprenait à exécuter par lui-même, pour que, simultanément, ses mains et son entendement puissent être instruits dans l’art maçonnique. Les témoignages écrits montrent qu’à chaque tenue de Loge, la planche du grade devant être travaillé était réellement dessinée de mémoire par le Maître avec de la craie ou du charbon de bois sur le sol de la loge. Grâce à sa pratique, le Maître était capable de la tracer rapidement et précisément. En avançant d’ouest en est pendant la cérémonie, le candidat effectuait les pas du grade au-dessus du dessin. L’explication de celui-ci faisait partie intégrante de la cérémonie, et, avant d’être rendu à son confort personne on lui demandait de l’effacer avec un torchon et un seau d’eau, pour que des yeux profanes ne puissent le voir et pour qu’il apprenne sa première leçon d’humilité et de secret. Au cours du XVIIIè siècle, le dessin de mémoire sur le sol fut remplacé, dans un premier temps, par l’utilisation d’un tapis de Loge peint, puis, par des planches en bois reposant sur des tréteaux, sur lesquelles le diagramme était reproduit de manière permanente. Les planches sont des prescriptions cryptées de la science d’un ancien monde, enseignées et pratiquées en secret à travers les âges par les quelques individus spirituellement mûrs et assez courageux pour suivre un chemin de vie plus élevé qu’il n’est encore possible d’atteindre pour le monde populaire. L’interprétation détaillée de leur symbolisme est nécessairement difficile, car les symboles renferment toujours beaucoup plus qu’il n’est possible d’expliquer verbalement. Par conséquent peu de maçons se sont formés jusqu’ici dans le langage de l’ancien symbolisme ésotérique ".
Publié le : samedi 7 avril 2007 par Jacques Keystone
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